C’est une femme posée au regard confiant que Sonia a rencontrée pour en savoir un peu plus sur son parcours professionnel et la place des femmes en immobilier. Alors, quand deux Sonia se trouvent en tête-à-tête, voilà ce qu’elles se racontent…

Q Sonia, à voir ton CV, tu fais partie de ces femmes qui ont une impressionnante feuille de route en immobilier. Comment as-tu découvert ce domaine?
 

R

 

C’est mon premier poste de secrétaire dans l’entreprise Van Houtte qui m’a fait découvrir le monde de l’immobilier commercial. À l’époque, on ouvrait des franchises aux quatre coins de la province, on était en plein développement! Mon patron m’a alors pris sous son aile, et il est devenu un mentor : il m’emmenait partout avec lui, j’assistais aux réunions, aux transactions, à la signature des baux… Grâce à lui, j’ai acquis une expérience de terrain inestimable. Mais pour mieux maîtriser les rouages de la profession, je suis retournée à l’université où j’ai obtenu mon certificat en droit. Et lorsque ce monsieur est parti à la retraite, j’ai été tout naturellement promue directrice des baux. Passer de secrétaire à gestionnaire en quelques années, c’était tout un avancement. En même temps, j’étais sans aucun doute la mieux placée pour prendre sa suite puisque je travaillais en étroite collaboration avec lui. Je lui dois beaucoup, car il m’a fait confiance et m’a formée.

Q Après 30 ans d’expérience, as-tu toujours autant de motivation, de passion? As-tu hâte à la retraite ou tu souhaites rester active encore longtemps?
 

R

 

Comme le temps passe vite! J’ai intégré Radio-Canada il y a 10 ans maintenant. À ce moment-là, malgré mon expérience professionnelle, ce poste représentait un vrai défi, car je ne connaissais pas le fonctionnement d’une entreprise gouvernementale. J’ai découvert un monde à part, une autre façon de travailler. Il a donc fallu que j’apprenne à maîtriser l’aspect gouvernance d’une société d’État. En effet, nous avons des comptes à rendre au public, et nous fonctionnons avec des appels d’offres. Autant à 35 ans je n’aurais pas tenu plus d’un mois à ce poste, autant à 52 j’étais prête. En effet, j’avais acquis suffisamment de maturité professionnelle, et surtout, j’étais plus tolérante et plus patiente pour être en mesure de m’adapter à une structure et un fonctionnement internes tout à fait différents du privé. J’entends par là que les paliers d’approbation sont nombreux et les prises de décision, plus longues. Ce modèle d’affaires était nouveau pour moi et j’ai dû faire de l’immobilier autrement. Là encore, quand mon patron a pris sa retraite, on m’a offert de le remplacer dans la direction des transactions immobilières.

Aujourd’hui, je me dirige tranquillement vers la retraite. Je suis passée à trois jours par semaine et je prépare ma succession. Quel plaisir de voir grandir la jeune femme, fougueuse et allumée, qui va prendre la suite! C’est très enrichissant, très valorisant pour moi de transmettre mes connaissances et je suis fière de lui passer le flambeau. À 62 ans, j’aspire à une vie plus tranquille, mais dans laquelle je compte bien rester active. Par exemple, je souhaite demeurer membre du CA de la caisse Desjardins du Quartier latin parce que ça me garde impliquée dans la communauté, et je sens que je peux faire une différence en contribuant à la prise de bonnes décisions.

Q Si tu fais le bilan de ta carrière, qu’est-ce que tu retiens de ton parcours professionnel? Qu’as-tu appris?
 

R

 

Lorsque je fais le bilan de ma carrière, je réalise que les choses se sont présentées à moi sans que je les demande. En fait, j’ai eu la chance de ne jamais avoir à rechercher un emploi. Mais je pense aussi que j’ai fait ma chance. J’ai réussi à me démarquer en travaillant très fort et toujours dans le respect de mes collègues, partenaires, fournisseurs et clients. C’est ce qui a porté fruit tout au long de mon parcours. Je reste convaincue que mon travail assidu, ma rigueur et mon professionnalisme ont contribué à mon ascension. Ça m’a permis d’avancer et je pense que le fil conducteur de tout ça, c’est autant mon implication que mon application.

Au cours de ma carrière, j’ai appris à être patiente, à réfléchir avant d’agir. Je suis plutôt de nature introvertie, mais ça ne m’a jamais empêchée de passer à l’action quand il le fallait et de montrer que j’étais à mes affaires. J’ai toujours bien fait mes devoirs et je peux affirmer en toute modestie que ma plus grande qualité professionnelle est mon intégrité. Dans les négociations, je ne pousse pas; je tiens surtout à ce que les deux parties se sentent gagnantes, car selon moi, c’est ce qui fait le succès d’une transaction.

Q Y a-t-il quelque chose que tu changerais, que tu ferais différemment? As-tu réussi la fameuse conciliation travail-famille?
 

R

 

Que je ferais différemment? Non, pas vraiment. Côté famille, je pense avoir fait les bons choix, comme celui de rester à la maison après la naissance de mes deux filles pour m’occuper d’elles durant les premières années de leur enfance. Après, oui, ça m’a obligée à mettre les bouchées doubles, mais à 28 ans, j’étais prête pour intégrer le marché du travail. Je ne crois pas que je ferais les choses différemment. De toute façon, je ne suis pas une personne qui regarde en arrière mais plutôt en avant.

Q Comment remplis-tu tes fins de semaine? As-tu des loisirs? Passes-tu du temps avec tes petits-enfants? 
 

R

 

Mes week-ends, je les consacre à ma famille et aux amis. L’été, ça se passe à la maison, chez nous, au bord du fleuve. Je reçois la famille, les proches… C’est l’endroit où je prends mon temps, où je me ressource. Je ne suis pas une grande sportive, mais j’aime beaucoup marcher. Sinon, je lis et j’aime les voyages. Je cuisine aussi et avec mon conjoint, on se complète bien : lui, les viandes, moi, les desserts. Ma spécialité est un super bon gâteau à la vanille! Tu craquerais, Sonia, j’en suis certaine! (rires)

Aujourd’hui, j’ai quatre petits-enfants pour lesquels je souhaite me rendre davantage disponible, car j’ai envie de prendre du temps avec eux. Comme je suis encore assez jeune pour une grand-maman, je me trouve chanceuse de pouvoir vivre cette étape de la vie de façon sereine.

Q  Tu as fait du bénévolat pour le Manoir Ronald McDonald. Parle-moi de cette cause, pourquoi et comment tu y as contribué.
 

R

 

La cause des enfants me touche particulièrement. Un soir par semaine, je m’occupais de l’accueil des parents qui viennent s’installer au Manoir pendant que leur enfant est hospitalisé. Je prenais les réservations, un peu comme l’hôtesse d’accueil d’un hôtel. À la différence que dans notre cas, il s’installait une relation d’aide et de soutien avec les résidents. Quand la maladie frappe, on peut malheureusement assister à des situations tragiques. À l’inverse, j’ai connu beaucoup d’histoires à la fin heureuse. J’ai d’ailleurs l’intention de reprendre mes activités pour une cause ou une autre au moment de ma retraite complète, lorsque j’aurai plus de temps. Je trouve essentiel de pouvoir aider, de redonner à la communauté, à ceux qui en ont besoin.

Q Cette année, tu as accepté le poste d’administratrice au sein du CA de CREW M. Quelles sont tes responsabilités? As-tu des objectifs à atteindre?
 

R

 

Je m’occupe de l’organisation des événements et je trouve que nous faisons du bon travail. On a beaucoup de visibilité cette année, avec de nombreuses conférences pour lesquelles nous avons réussi à attirer des gens d’expérience, des professionnels de haut calibre. Franchement, la barre est très haute! À nous de maintenir ce cap pour continuer à bâtir la réputation de CREW M dans notre industrie.

Q En toute objectivité, que penses-tu de l’organisation? Décris-moi nos forces mais aussi nos points à améliorer.
 

R

 

Comparé à il y a 15 ans, j’ai constaté une réelle amélioration. C’est un groupe dynamique, bien structuré, solide et beaucoup plus ouvert. Je pense aussi que nous faisons une vraie différence pour l’avancement des femmes dans l’immobilier. Nous devons continuer à faire parler de CREW M partout, sur toutes les plateformes, dans tous les médias, pour nous donner plus de crédibilité. Nous sommes tous des bénévoles investis et je suis fière de nous. Mais je vois avec grand plaisir se former la relève : les jeunes démontrent de l’intérêt, de l’enthousiasme et de l’engagement vis-à-vis de notre organisation.

Q Que penses-tu de la place des femmes dans le secteur de l’immobilier comparé à tes débuts dans l’industrie? Pour ta part, as-tu le sentiment que le fait d’être une femme a ralenti ton avancement?
 

R

 

Les temps ont changé, c’est sûr et c’est tant mieux. Il y a 25 ans, lorsque j’étais dans une conférence en immobilier, on comptait les femmes présentes sur les doigts d’une main. Le positif, c’est qu’on nous remarquait. Mais il fallait se faire remarquer pour les bonnes raisons, si tu vois ce que je veux dire, car on a tôt fait de coller des étiquettes aux gens. Pour ma part, je me suis fait un devoir de démontrer beaucoup de sérieux pour que justement, on me prenne au sérieux! Mes dossiers étaient très bien préparés et si on m’attendait au tournant, j’avais les réponses, j’étais parée à toute éventualité. Jamais je ne me suis sentie exclue ou moins considérée parce que j’étais une femme. Pour assurer ma crédibilité, j’ai travaillé fort et je me suis démarquée par mes actions.

Q Aujourd’hui, que dirais-tu à la relève?
 

R

 

J’ai confiance en la relève. La nouvelle génération que je côtoie fait preuve d’une grande volonté de réussir. Plutôt réservée et discrète, j’étais différente de ces jeunes femmes, mais il est vrai que l’environnement actuel est différent aussi. Aujourd’hui, on accepte et on prône la diversité dans les entreprises. Ça fait même partie des valeurs mises de l’avant. Mieux encore, la parité est d’actualité, mot quasi inexistant lorsque j’ai débuté dans l’industrie. J’admire l’ambition qui anime cette relève et je reconnais sa détermination, mais souvent, je mets en garde ces futures leaders contre la précipitation en leur conseillant de prendre le temps de prendre du recul avant d’agir et de ne pas se mettre trop de pression. Alors, je leur dis parfois : « respire… »! (clin d’œil)